Cet article fait le point sur les diverses techniques proposées pour le diagnostic différentiel de l’impuissance diabétique.
Introduction
Face à une dysfonction érectile, le médecin doit dans un premier temps isoler les impuissances psychogènes, les impuissances organiques et les impuissances mixtes. S’il s’agit d’une impuissance organique, de préciser la cause, laquelle peut être artérielle, veineuse, neurogène, musculaire ou hormonale.
Dans cette démarche, le médecin à a sa disposition un certain nombre de tests diagnostiques dont nous allons tenter de préciser l’intérêt, les limites et la fiabilité.
Le premier temps du diagnostic consiste à isoler les impuissances psychogènes des impuissances organiques et mixtes. Nous avons à notre disposition :
- l’interrogatoire
- la pléthysmographie
- la rigidimétrie
- le test à la papavérine
- le Doppler pénien
L’interrogatoire »
Après avoir éliminé une impuissance primaire que l’on retrouve dans moins de 1% des cas dans notre série, l’interrogatoire précise la qualité des érections matinales et la nature du déficit au cours de la relation sexuelle.
Pour l’érection matinale, il convient de connaître :
- la fréquence des érections matinales au cours d’une semaine, la normale se situant selon l’âge entre 1 à 5 fois par semaine ;
- la durée de l’érection matinale lorsque le patient reste allongé, dépasse normalement 10 minutes ;
- la rigidité, ce qui est un peu plus difficile à préciser, mais cependant essentiel.
On peut demander au patient de la coter de 0 à 10, 10 correspondant à l’érection maximale qu’il a connue avant sa maladie, ou bicn de préciser l’angle que le pénis fait avec la verticale, lorsque le sujet est debout avant d’aller uriner.
Une érection de 90° étant considérée comme suffisante pour la pénétration, on demande néanmoins au patient si son érection matinale ou nocturne est suffisante pour la pénétration.
Au cours du rapport sexuel, on précisera :
- s’il existe des modifications importantes lors d’un changement de partenaire ;
- si la tumescence est normale avant la pénétration ;
- si la rigidité ne permet pas la pénétration.
Tout ceci nous oriente vers une cause psychogène./>
- Si la détumescence se produit lors d’un changement de position.
Ce qui est en faveur d’une cause organique.
La pléthysmographie »
Inventée par Fisher et Karacan, elle se fait habituellement la nuit. On utilise un anneau de mercure contenu dans une gaine de Sylastic, un faible courant traversant le mercure, l’anneau est entouré sur le pénis du patient et lors de la tumescence, l’étirement de la colonne de mercure provoque un amincissement, ce qui entraîne une augmentation de la résistivité. Le signal est amplifié et traduit sur un mode graphique, soit directement à 1’aide d’une plume, soit par 1’intermediaire d’un micro-processeur qui met en mémoire les données de la nuit et les restitue le lendemain sous forme graphique. Ce dernier système que nous avons proposé a été mis au point à Montréal.
La pléthysmographie a l’avantage de préciser la durée des érections, leur fréquence, objective une tumescence, mais non la rigidité du pénis. Beaucoup d’auteurs ont tenté à 1’aide d’un pléthysmographe de mesurer la rigidité du pénis, malheureusement aucun critère satisfaisant n’a pu être retrouvé. Donc, une pléthysmographie plate peut nous indiquer qu’il n’y a pas eu d’érection ; si ce test peut être reproduit 3 nuits consécutives, l’argument en faveur d’une impuissance organique est solide, à la condition de savoir si le patient a bien dormi. Pour cela, nous avons deux moyens, soit de faire un enregistrement du sommeil, ce qui est le seul procédé objectif mais coûteux, soit de questionner le patient, c’est le procédé que nous utilisons habituellement, le patient répondant le matin à un questionnaire où il précise 1’heure de l’endormissement, 1’heure du réveil et la qualité de son sommeil.
Avec cette précaution, la pléthysmographie reste un bon test de diagnostic d’organicité lorsque la pléthysmographie est plate. Lorsque la pléthysmographie montre des érections, nous ne pouvons malheureusement pas savoir si 1’érection a été complète ou non et surtout si elle a été rigide ou non. La rigidimétrie est donc essentielle.
La rigidimétrie
1) Les timbres
Les premières mesures de la rigidité sont faites à l’aide de timbres postes placés autour du pénis le soir, le patient devant regarder le matin si le papier est déchiré ou non. Comme pour la pléthysmographie, si le papier est intact le matin et que le patient a bien dormi et si ce test peut être reproduit 3 nuits consécutives, le diagnostic d’organicité peut être affirmé. Par contre, si le papier est déchiré, nous ne pouvons pas savoir quelle est la durée de l’érection, car celle-ci a pu durer une seconde, et quelle a été la rigidité.
2) Le Dacomed
Il est constitué d’une bande Velcro et de 3 petites languettes plastiques pouvant se rompre pour des tensions de plus en plus importantes ; c’est un outil plus sophistiqué que le timbre-poste, mais ne donnant finalement pas plus de renseignements.
3) Le Régiscan
Il est formé d’un anneau métallique entouré sur le pénis dont le diamètre peut varier, ‘appareil pouvant exercer une tension donnée sur le pénis, ce qui permet de se faire une idée de la rigidité. Cet appareil constitue un apport non négligeable, car il peut être utilisé à domicile et permettre de préciser la durée des épisodes de rigidité. Malheureusement, ce que le fabricant indique comme étant une rigidité à 100 % semble être arbitraire, car nous n’avons pas retrouvé dans la littérature de validation de ce fait. De plus, l’appareil ne peut prendre qu’une mesure toutes les 30 secondes, ce qui ne permet pas d’objectiver les pics de pression que nous avons décrits. Bien sûr, nous ne savons pas encore si ces pics doivent nécessairement être retrouvés pour caractériser une rigidité normale ; nous savons simplement que nous les avons retrouvés d’une manière constante chez tous les patients normaux que nous avons testés.
4) Le rigidimètre de Virag
II a l’avantage de prendre des mesures continues, malheureusement l’existence d’une bande élastique de contention ne permet pas la mesure de rigidité, car une mesure de pression exige une contention non élastique.
5) LE SMS 96
C’est un système que nous avons mis au point et que nous utilisons depuis 2 ans avec satisfaction. Il s’agit d’un brassard fermé par une bande de velcro qui est entouré autour du pénis ; le brassard est rempli d’eau et relié à un capteur de pression. Nous avons validé cet appareil en pratiquant conjointement des mesures de la pression intra-caverneuse à l’aiguille et de la pression enregistrée dans le brassard. La corrélation est bonne. II convient maintenant de déterminer quelle est la pression intra-cavcrneuse nécessaire pour permettre une pénétration.
Le test à la papavérine de Virag
Très utilisé a l’heure actuelle, il consiste à injecter de la papavérine dans le corps caverneux. Si l’érection se produit, Virag considère qu’il n’y a pas de pathologie artérielle ou veineuse, et qu’en conséquence l’impuissance doit être soit psychogène, soit neurogène. Si 1’érection ne se produit pas, l’impuissance est organique sans que 1’on puisse déterminer la cause.
Récemment, Buvat a démontré que des patients psychogènes pouvaient très bien ne pas répondre à la papavérine. Cette constatation nous oblige à reconsidérer le test à la papavérine qui a également l’inconvénient de provoquer des érections prolongées, demandant parfois une intervention chirurgicale de dérivation. Certains médecins ne pouvant pas faire de pléthysmographie et encore moins de rigidimétrie ont abandonné la pléthysmographie pour le test à la papavérine. Je pense que c’est une erreur et qu’il faut considérer le test à la papavérine comme un des éléments du diagnostic, la pléthysmographie associée à la rigidimétrie restant 1’examen de base du diagnostic.
Le doppler pénien
C’est un bon moyen d’évaluer l’état artériel du patient, mais demande un Doppleriste averti. Dans ce cas, il semble qu’il y ait une bonne corrélation entre 1’artériographie et le résultat du Doppler (ce fait demande à être confirmé).
Divers types d'impuissance
Ces divers tests nous permettent donc de classer 1’impuissant dans les classes suivantes :
- les impuissances organiques indiscutables lorsque la pléthysmographie est plate 3 nuits consécutives ;
- les impuissances psychogènes indiscutables si la pléthysmographie et la rigidimétrie sont normales avec 3 érections par nuit d’une durée totale supérieure à 60 mn et une rigidimétrie supérieure à l50 mmHg ;
- les cas douteux avec une ou deux rections par nuit et une rigidimétrie inférieure à 100 mmHg. Ces chiffres sont le fruit de notre expérience, mais demande des études complémentaires pour préciser s’ils doivent être considérés comme normes ;
- les cas mixtes qui sont des patients ayant des troubles organiques associés à des perturbations psychologiques, par exemple des patients n’ayant pas d’érection le jour, mais des érections la nuit, lesquelles ne sont cependant pas normales.
Lorsque le diagnostic d’organicité est posé ou suspecté, il convient de faire appel à d’autres tests, à savoir :
- le réflexe bulbo-caverneux
- la mesure de débit
- la cavernosographie
- l’artériographie.
La mesure du temps de latence du réflexe bulbo-caverneux (RBC) et ischio-caverneux (RIC)
Ce test consiste à stimuler électriquement le gland et à mesurer la réponse réflexe à 1’aide d’une aiguille placée dans le muscle bulbo-caverneux. I1 prouve 1’existence du réflexe et permet de mesurer le temps de latence. Jusqu’à présent, face à une impuissance organique, en particulier chez le diabétique, lorsque le temps de latence était pathologique ou absent, on considérait que 1’impuissance organique était neurogène. Or, nous avons repris récemment 100 dossiers de patients ayant eu de façon systématique une étude du temps de latence du RBC, et constaté à notre grande surprise que chez 30 patients ayant un réflexe pathologique, 15 présentaient une érection normale tant pour la pléthysmographie que pour la rigidimétrie. Ces faits nous obligent à reconsidérer la validité de ce test, et nous ont amenés à pratiquer systématiquement maintenant le temps de latence du réflexe ischio-caverneux. Nous avons du reste montré que cette latence était double de celle du bulbo-caverneux. Nous ne savons pas encore si ce test sera plus apte à signer 1’existence d’une pathologie neurogène que le précédent – le travail est en cours. C’est pourquoi nous pratiquons aussi systématiquement les réflexes évoqués péniens. Les réflexes évoqués péniens consistent à stimuler le gland électriquement et à mesurer la réponse corticale. Nous avons par ce procédé déjà pu mettre en évidence un certain nombre de pathologies neurogènes périphériques ou centrales qui étaient jusque-là ignorées.
La mesure de débit
Cette mesure de débit d’obtention de l’érection consiste à injecter dans le corps caverneux du sérum physiologique avec ou sans papavérine et à mesurer le débit nécessaire à l’obtention de l’érection et également le débit nécessaire au maintien de l’érection. Ce test est destiné à mettre en évidence les fuites veineuses de connaissance relativement récente. La mesure de débit est sûrement un test très intéressant, malheureusement nous ne savons pas encore exactement quelle est la norme tant pour le débit d’obtention que pour le débit de maintien. Pour Virag, 100 ml/mn sont nécessaires pour obtenir une érection normale ; au-dessus de ces 100 ml, on considère qu’il existe une fuite veineuse. Nous avons constaté à plusieurs reprises que dans un contexte différent, au laboratoire par exemple, et ensuite dans une salle de radiologie, que des patients avaient des mesures de débit excessivement différentes, avec des variations de 100 ml/mn pour un même test. Donc, il n’est pas du tout certain que cette mesure de débit d’obtention soit constante d’un examen à 1’autre et nous devons faire des travaux plus poussés pour déterminer une norme en ce qui concerne les débits. Après la mesure de débit, habituellement, on pratique une cavernosographie.
La cavernosographie
Elle doit se faire en érection. On injecte d’abord du sérum physiologique, comme on le fait pour la mesure de débit où on injecte de la papavérine de façon à provoquer une érection artificielle ; on injecte ensuite une substance de contraste dans le corps caverneux et on vérifie s’il existe des fuites au niveau du plexus rétropubien.
Ces fuites peuvent être bouchées par des ressorts ou des substances sclérosantes.
L’artériographie
L’artériographie sélective des artères honteuses internes consiste à injecter une substance de contraste dans 1’artère honteuse interne généralement associée à la papavérine, ce qui permet de visualiser l’artère honteuse, les artères caverneuses. Ce test reste intéressant, mais d’interprétation parfois difficile.
Conclusion
Ces divers tests nous permettent dans 80 % des cas environ de faire un diagnostic étiologique précis. Néanmoins, d’autres travaux sont nécessaires pour établir des critères de normalité. Ceci s’explique entre autres par le manque d’études faites sur des sujets normaux.
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